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25 mai 2016

Benoît Millot (arbitre) : « Quand on fait une erreur, on ne dort pas l'esprit tranquille » (1/2)

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A 34 ans, Benoît Millot a fait sa place au sein de l’arbitrage français. Le natif des Hauts-de-Seine a découvert la Ligue 1 il y a cinq ans maintenant et a même officié en Europa League. Avec ses deux assistants, Eric Danizan et Philippe Jeanne, ils ont arbitré deux rencontres du Tournoi de Toulon. 


Benoît Millot, qu’est-ce que ça vous apporte de venir arbitrer des matches lors de ce tournoi ?

« Il y a le côté footballistique : c’est très intéressant de voir des équipes issues de continents différents. On retrouve des identités qui ne sont pas les mêmes pour nous qu’en Europe. Il y a aussi un côté purement arbitral, humain. On peut échanger avec nos collègues venant des différents coins du monde et voir si nos consignes et nos manières de faire sont les mêmes ou sont très différentes. L’échange humain est très riche lors du Tournoi ». 

Vos manières de faire sont-elles similaires ? 

« Tous les arbitres du Tournoi sont internationaux mais ne dépendent pas de la même confédération : UEFA pour les Européens, CONMEBOL pour les Sud-Américains … Les instructions proviennent de la FIFA, ce sont les même pour tous. Nous, Français, nous ne faisons pas différemment qu’un Paraguayen ou qu’un Japonais. Le football est mondial. On en prend vraiment conscience en étant tous rassemblés ici. On ne se clone pas les uns les autres mais il y a une manière de faire uniforme ». 

Est-ce qu’il y a quand même des « styles » d’arbitrage ? 

« Oui, les instructions sont globalement les mêmes mais il y a des identités. Les Sud-Américains sont plus « autoritaires », rigoureux. Ça ne rigole pas trop. Les Asiatiques ont une façon de faire très disciplinée. C’est presque caricatural, mais je vous assure que ça se retrouve. Chez les Européens, il y a les Latins qui sont plus dans le mangement global d’une rencontre alors que ceux de l’Est sont très disciplinés. 

« La Ligue 1 est un championnat très normalisé »

Vous parliez de culture différente. La culture Ligue 1, c’est de critiquer chaque décision arbitrale ? 

(Il sourit). « Quand on échange avec les arbitres Mexicains, on se rend compte que leur championnat est hyper passionné. Chaque semaine, les matches sont très disputés. Chez eux, il se passe des choses incroyables. Parfois, ils nous montrent certaines vidéos de leur rencontre, ils voient des cas de figure que l’on ne pourrait pas imaginer en Europe, dans les tribunes ou sur le terrain. On se rend compte que notre football est un peu aseptisé, presque, et que la Ligue 1 est un championnat très normalisé par rapport à ce qu’ils peuvent voir chaque semaine ».

Justement, ce n’est pas un peu trop normalisé ?

« On a certains protocoles qui sont appliqués. Je ne vais pas dire aveuglement mais ils sont appliqués par soucis dit-on de sécurité. On se cale là dessus. Ce sont les délégués qui mettent en place ces protocoles. C’est vrai qu’on ne sort pas tellement des clous. Mais c’est vrai pour tous les Européens. Les choses hors-normes ne se passent pas vraiment dans nos pays ». 

Vous avez débuté très tôt en Ligue 1. Comment expliquez-vous cette ascension rapide ? 

« Il y avait un souhait, qui est toujours valable aujourd’hui, de rajeunissement au sein de l’arbitrage français. La pyramide des âges des arbitres faisait qu’une certaine génération allait arriver en fin de carrière. Quand je suis arrivé en Ligue 1 il y a cinq ans, il y avait des limites d’âges. Un arbitre pouvait aller au maximum, si ses performances physiques et de terrain étaient réussies, jusqu’à 45 ans. Aujourd’hui, cela n’existe plus mais les tests physiques sont de plus en plus exigeants. La limite d’âge va donc un peu perdurer, on ne verra jamais d’arbitre de Ligue 1 à 55 ans. J’ai fait partie de cette politique-là avec Benoît Bastien, Clément Turpin ou Nicolas Rainville. La DTA souhaite que l’arbitrage français soit toujours sur une voie d’excellence. Le but est que les nouveaux arbitres arrivent au niveau international assez jeune pour aller ensuite vers les grandes compétitions ». 

« Le public se dit que les arbitres derrière les cages font les planctons »

L’arbitrage évolue avec notamment deux arbitres derrière chaque but. On entend souvent dire le public « qu’ils ne servent à rien » … 

« On peut comprendre que le grand public se dise ça. Les arbitres additionnels ne se manifestent pas physiquement : ils n’ont pas de drapeaux ni de sifflet. On se dit qu’ils font un peu les planctons derrière le but. Tous les arbitres sont reliés par un système d’oreillette. Il y a une multitude d’informations qui s’échangent via ce système. Le grand public ne le perçoit pas, ne l’entend pas et ne le voit pas. La vraie mission des arbitres additionnels est de sauver l’arbitre central quand il fait une erreur, par exemple une main qu’il n’a pas pu voir à cause d’un mauvais angle de vue. La toute première fonction d’un arbitre additionnel est la validation d’un ballon qui a franchi la ligne de but ». 

Il y a désormais la Goal Line Technology …

« L’arbitre additionnel peut se dire « si moi je ne vois pas le ballon rentrer, le technologie me le dira. Donc je peux me concentrer davantage sur les mains, les tirages de maillot … ». Il y a une vraie mission d’assistance à l’arbitre. La Goal Line permet de détacher encore plus les arbitres additionnels à aider le trio arbitral. C’est gagnant pour le football. »

La vidéo est un débat qui revient souvent sur la table. Vous êtes pour ou contre ?

« Les instances internationales qui travaillent à l’évolution du football et de ses règles a laissé une porte entrouverte pour l’introduction de la vidéo en 2016. La France s’est portée candidate pour des expérimentations. Ça ne va pas se mettre en place du jour au lendemain sans qu’on en connaisse les conditions et les modes d’applications. Peut-être que dans notre Ligue 1 ou Ligue 2, je pense lors de la saison 2017-2018,  il y a de fortes chances qu’on voit des débuts d’expérimentation sur la vidéo ».

« Qui paye pour voir les arbitres ? Personne »

Comment cela va-t-il se manifester ? 

« Je suis incapable de le dire. Je sais que la DTA travaille activement sur ce dossier pour que la France puisse être « site pilote ». Ce qu’on ne sait pas c’est à quels moments et dans quelles conditions on pourrait avoir recours à la vidéo. Est-ce que c’est uniquement pour des situations dans les surfaces de réparation ? Sur tout le terrain ? Pour des hors-jeu ? Oui, il risque d’y avoir des recours à la vidéo mais on ne sait pas le cadre. Si on peut être un peu avant-gardiste, tous les arbitres seront gagnants. Nous, on est partants ». 

Vous sentirez-vous plus en sécurité de pouvoir faire appel à la vidéo ? 

« Tous les arbitres ne feront jamais la même chose au même moment. Je parle de choses discutables, interprétables, quand c’est 50/50. Le sentiment de l’un n’est pas celui de l’autre. Les arbitres ne ressentent pas le besoin de la vidéo au même moment. Dans l’intérêt d’une rencontre, ce sont toujours les décisions majeures que l’on retient, celles qui ont un impact sur le résultat. Ce qui est intéressant dans le recours à la vidéo, c’est de voir en sortant d’un match que la vidéo nous a permis d’éviter une erreur qui aurait eu une incidence sur le résultat. Ça peut être un motif de sérénité pour l’arbitre. On est comme les joueurs. Quand on sort d’une rencontre et qu’on sait que le résultat nous est imputable, croyez bien qu’on ne va pas s’endormir l’esprit tranquille. On est impacté. Evidemment, on ne fait pas de grandes déclarations dans la presse mais ce n’est pas quelque chose qu’on vit nécessairement bien.  La mission de l’arbitre est d’être au service du jeu. Il n’a pas vocation à être dans la lumière, a priori. Qui paye pour venir voir les arbitres ? Personne. Le public veut voir du jeu. Quand l’arbitre se retrouve être le mauvais acteur d’une rencontre, il n’y a pas pire. Si la vidéo peut nous éviter ça, c’est gagnant pour le foot ». 


Propos recueillis par Romain Colange


Retrouvez demain, jeudi, la deuxième partie de l’interview de Benoît Millot.