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29 October 2021

De jeune espoir à titulaire indiscutable... Comment Antony s'est rendu indispensable à l'Ajax

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Débarqué à l’Ajax à l’été 2020 dans un certain anonymat mais avec une attente liée au montant de son transfert, Antony n’a pas tardé à se faire nom en Europe. Après quasiment une saison et demie, l’ailier brésilien s’est rendu indispensable à Amsterdam et a même rejoint la Seleção. Décryptage d’une ascension fulgurante.

« Très technique, il a régalé les foules de par ses gestes à donner le tournis. Rapide, il ne sera pas étonnant de le voir rejoindre le Vieux Continent dans les prochains mois ». Voici ce que nous écrivions en juin 2019 sur Antony, nommé dans l’équipe type de la compétition après un Tournoi Maurice Revello réussi et remporté avec le Brésil. Comme une prédiction, il a effectivement mis le cap sur l’Europe un an plus tard. En juillet 2020, l’ailier virevoltant rejoint l’Ajax, qui débourse plus de 20 millions d’euros bonus compris pour le recruter. Une somme conséquente pour le club d’Amsterdam, pas forcément connu pour sa folie dépensière sur le marché des transferts. Le pari est osé, mais peut rapporter gros, sportivement et financièrement. Car Antony, alors joueur du São Paulo FC et âgé d’à peine 20 ans, est déjà bien connu des observateurs et scouts européens, à la faveur de prestations remarquées chez lui. « Quand il est apparu il y a quelques années à la Copinha, l’équivalent brésilien de la Coupe Gambardella, il a flambé, notamment en marquant en finale, se souvient Eric Frosio, correspondant au Brésil pour L’Equipe. Ici, on dit que c’est le tournoi qui révèle les futures pépites du pays et il s’y était illustré. Et puis l’année d’après et la suivante, il a confirmé et a montré qu’il avait du potentiel ».


Antony au duel avec le Français Koba Koindredi lors du Tournoi Maurice Revello 2019

São Paulo pour pour démarrer, l’Ajax pour décoller

En deux ans à São Paulo, Antony dépasse tout juste les 50 matchs joués. Trop peu pour entrer dans le cœur des supporters Tricolores, mais bien assez pour convaincre les dirigeants amstellodamois de miser sur lui. Alors en difficulté financière, le club Paulista se résigne à vendre son crack pour éponger les dettes. Une nouvelle vie commence alors pour le Brésilien, loin de chez lui et dans un club au glorieux passé et à la stature internationale, le tout avec sur ses épaules, la pression qu’implique un transfert onéreux. Son arrivée entre dans une nouvelle réflexion menée par l’Ajax. Alors qu’il s’appuie énormément sur son excellent centre de formation, le champion des Pays-Bas souhaite se diversifier. En plus d’alimenter constamment son effectif avec les jeunes générations du Jong Ajax, toujours aussi talentueuses, il veut également se spécialiser dans la post-formation de joueurs venus d’Amérique du Sud notamment. « L’Ajax s’est un peu plus penché sur ce continent ces dernières années, explique Pol Barruyer, journaliste indépendant basé au Benelux. La direction a accentué son recrutement là-bas. Ils ont repris le flambeau des clubs portugais qui allaient chercher des joueurs là-bas. Ça leur a permis de revenir au plus haut niveau et ce choix leur permet d’avoir des joueurs de qualité à moindre coût ». Antony s’inscrit ainsi dans la lignée des Davinson Sanchez, Nicolas Tagliafico, Lisandro Martinez ou encore Edson Alvarez, tous transfuges de clubs d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale.

Superviser et recruter des joueurs sud-américains n’est pas pour autant une finalité, encore s’agit-il de les accompagner et les intégrer de manière à leur donner toutes les chances de réussir. Et là aussi, l’Ajax excelle. Dès son arrivée, Antony est mis dans les meilleures conditions pour favoriser son acclimatation. Pour ne pas le griller, son entraîneur Erik Ten Hag décide de l’incorporer avec parcimonie, dans un système avec des ailiers et un jeu offensif qui conviennent parfaitement au Brésilien. Et ça paie. Antony n’est pas toujours titulaire mais apprend, s’adapte, et progresse. « Il est arrivé un peu comme un inconnu, en plein renouvellement d’effectif à l’Ajax et en plus à un poste où les besoins n’étaient pas primordiaux, mais on a vite vu qu’il avait du ballon, se souvient Pol Barruyer. Les supporters l’ont vite compris et il est en train de prendre une autre dimension. Il correspond assez au style de l’Ajax. En termes de jeu, de percussion, ça ressemble à ce qui se faisait au club dans les années 2000 et 2010, avec des ailiers très rapides, dribbleurs, dans le déséquilibre ».

Peu à peu, Antony gagne en régularité et engrange du temps de jeu. Il boucle la saison 2020/21 avec 46 apparitions et 11 buts inscrits. Un premier exercice réussi. Et cette cuvée 2021/22 part sur les mêmes standards. Alors qu’il est coutume de dire que le plus dur est de confirmer, Antony entame cette saison avec un nouveau statut mais en ayant encore hissé son niveau d’un cran. Depuis le début de saison, il a inscrit 4 buts en 10 matchs et fait parler de lui aussi bien en championnat qu’en Ligue des Champions. Avec Dusan Tadic, Steven Berghuis et Sébastien Haller, il forme un quatuor offensif de feu. Après trois mois de compétition, l’Ajax est en tête de l’Eredivisie et de son groupe de C1, en ayant inscrit 48 buts en 13 matchs disputés. Le club néerlandais a notamment infligé de sévères corrections au Sporting (5-1), à Dortmund (4-0), à Cambuur (9-0) ou encore tout récemment au PSV Eindhoven (5-0), le tout en pratiquant un jeu intense et spectaculaire. « Dans ce collectif, Antony est le seul joueur qui apporte vraiment de la verticalité, décrypte Pol Barruyer. L’autre côté est occupé par Dusan Tadic qui a un rôle différent, de meneur de jeu excentré. Antony est un ailier pur, il joue faux pied, collé à la ligne de touche. On peut penser qu’il a un jeu stéréotypé, avec les mêmes mouvements, les mêmes courses, un peu à la manière d’Arjen Robben sans pour autant les comparer, mais c’est fait avec une telle vitesse que c’est dur à défendre ».

« Tout le monde l’attendait à ce niveau »

Seule une question demeure désormais : jusqu’où peut aller Antony ? Lors de la dernière trêve internationale d’octobre, il a été convoqué en A et honoré sa première cape avec la Seleção. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il s’est même payé le luxe d’inscrire un but dès sa première apparition avec le Brésil face au Venezuela. « Il a été dans l’ombre de Raphinha (Leeds) qui a aussi réussi sa première mais ça lui convient bien, il fait son trou tranquillement, estime Eric Frosio. Il a en tout cas convaincu le staff, Tite a aimé son attitude, son humilité, le fait qu’il se soit dépouillé quand il est rentré. Vu ses performances à l’Ajax, il est sûr de revenir au prochain rassemblement ». Prochain objectif désormais, s’installer durablement en A. Avec en ligne de mire, la Coupe du Monde au Qatar en 2022. Une ambition lointaine mais loin d’être fantaisiste pour le petit ailier, qui n’a surpris personne sur ses terres, à São Paulo, selon Eric Frosio. « Tous ceux qui l’ont côtoyé, ses formateurs, ses anciens coéquipiers, l’attendaient à ce niveau. Il a en plus choisi le bon endroit en allant à l’Ajax. C’est un club qui prend soin de ses jeunes joueurs, c’est super pour finir sa formation. Aujourd’hui, sa trajectoire est conforme à celle qu’on pouvait espérer ». Du Tournoi Maurice Revello à la Coupe du Monde, la voie est biscornue, mais elle est tracée pour Antony. Il a en tout cas pris le bon chemin.

Mathieu Lauricella