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26 May 2022

Kari Seitz (responsable des arbitres féminines à la FIFA) : « Cette opportunité peut changer leur vie »

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Pour la première fois cette année, le Tournoi Maurice Revello accueille un séminaire d'arbitrage organisé par la FIFA, dans le but de favoriser le développement de l'arbitrage féminin. L'ensemble des matchs de la 48e édition de la compétition sera ainsi dirigé par des trios d'arbitres féminines. Une première mondiale dont Kari Seitz, la responsable de l'arbitrage féminin à la FIFA, est à l'origine. Pendant trente minutes, elle a accepté de nous détailler les objectifs de ce séminaire inédit dans l'histoire du Tournoi. Entretien.

Kari, en quoi consiste le séminaire d’arbitres FIFA qui se tient depuis ce lundi dans le cadre du Tournoi Maurice Revello ?

Le Tournoi fait partie de notre projet "Road to Australia and New-Zealand". Il s'agit d'un projet de quatre ans dans lequel nous préparons les arbitres pour les prochaines Coupe du Monde masculine et féminine. Nous allons donc faire venir nos meilleures arbitres pour préparer l'Australie et la Nouvelle-Zélande en 2023. Avant toute compétition de la FIFA, nous organisons toujours un séminaire avec deux objectifs : l'un est de préparer les arbitres aux compétitions, car nous voulons avoir les meilleurs arbitres sur le terrain pour le Tournoi Maurice Revello, et l'autre est de préparer le long terme pour la Coupe du Monde l'année prochaine. Pendant le séminaire, nous avons plusieurs éléments.

Le premier est un entraînement pratique sur le terrain, au cours duquel nous simulons des situations réelles que nous pouvons voir lors des matchs et préparons les arbitres avec les tactiques que nous attendons, afin de vraiment reproduire un entraînement d'arbitres. Ensuite, dans l'après-midi, nous avons quelques sessions dans lesquelles nous essayons vraiment d'exercer l'uniformité des décisions d'arbitrage et d'analyser le jeu pour prendre la bonne décision dans le match. La dernière partie est consacrée à la forme physique et à la santé. Nous avons tout un service médical dans nos composantes pour aider les arbitres. Ce sont des athlètes, non seulement en forme mais aussi en bonne santé.

Voilà donc nos principaux éléments. Nous reproduirons ce que nous faisons lors des Coupes du Monde de toutes catégories. Nous prenons cela très au sérieux et de manière très professionnelle.

La grande particularité de ce séminaire est de voir des femmes arbitrer en intégralité un tournoi masculin, quel est le but et qu’attendez-vous des arbitres qui y participeront ?

Elles seront toutes évaluées, ce sera donc l'occasion pour elles de montrer qu'elles ont les qualités requises pour participer à la Coupe du Monde. Nous attendons d'elles qu'elles donnent le meilleur d'elles-mêmes. La qualité des matchs que nous attendons lors de ce tournoi, comme nous l'avons vu par le passé, est parfaite pour elles, car il y aura de l'excellent football. Ce sera le meilleur environnement pour pouvoir montrer qu'elles ont les compétences nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Nous voulons aussi qu'elles continuent à s'améliorer et à apprendre rapidement, au niveau physique, leur capacité à prendre des décisions, à lire le jeu. Nous recherchons des standards de classe mondiale.

Quel message voulez-vous faire passer à travers cela ?

Nous ne voulons pas qu'il y ait de différence. Nous aimerions qu'à l'avenir, ce ne soit plus une nouveauté. Ce vers quoi nous voulons aller, étape par étape, c’est que des situations comme celle-ci ne fassent plus l’actualité et deviennent normales. Sur le terrain, quand le match débute, les joueurs sont surpris et après quelques minutes, personne ne s'en soucie, car nous ne faisons qu'arbitrer et tout le monde se concentre sur le football. C'est le rêve des femmes arbitres. Pour moi, c'est de continuer à démontrer que ces femmes ont la qualité et que cela ne doit pas être un problème. Les femmes aiment le football de la même manière, elles peuvent avoir les mêmes capacités physiques, les mêmes capacités techniques. C'est l'occasion de démontrer que les femmes ont la qualité dans n'importe quel type de football, masculin ou féminin. J'aurais absolument aimé participer à ce type d'événement lorsque j'étais arbitre. Nous commençons une nouvelle histoire ici, et nous espérons que le séminaire et d'autres événements de ce type se poursuivront pendant de nombreuses années.

"Le Tournoi Maurice Revello, quelque chose de spécial"

Pourquoi avoir choisi le Tournoi Maurice Revello pour accueillir cet événement ?

Parce que c'est un tournoi avec une très longue histoire, avec non seulement du football de qualité mais aussi les futures stars de ce sport. Pouvoir travailler avec un tournoi d'un tel prestige, pour aider à développer notre projet avec les arbitres est un énorme plaisir et nous sommes ravis d'en faire partie. Il est regrettable que nous ayons traversé le COVID et que nous ayons dû attendre deux ans avant de travailler ensemble, mais finalement, nous sommes en 2022 et nous avons cette occasion unique de faire partie de cet événement historique. Tant de stars et de joueurs merveilleux ont débuté au Tournoi Maurice Revello, c'est l'une des plus prestigieuses compétitions de jeunes joueurs. L'organisation de cette compétition est quelque chose de très spécial, c'est donc une fierté d'en faire partie.

Vous êtes à la tête de l’arbitrage féminin au sein de la FIFA et travaillez aux côtés de Pierluigi Collina. En quoi consiste votre fonction ?

J'ai plusieurs responsabilités, mais l'un de mes objectifs principaux est de préparer les femmes à la Coupe du Monde Féminine et aussi de changer la culture pour soutenir les femmes arbitres, pour changer la façon dont le monde voit les femmes arbitres. C'est une grande partie de ce que je fais, mais j’aide également au recrutement et la pédagogie que l’on veut mettre en place, notamment dans le développement de nos programmes techniques. Je ne suis donc pas seulement aux côtés des femmes arbitres, je travaille aussi avec les hommes arbitres. Sur le plan technique, nous développons des enseignements pour former des arbitres à tous les niveaux, hommes et femmes, des arbitres débutants aux arbitres d'élite. Mais je me concentre vraiment pour essayer de changer la perception mondiale des arbitres féminines et les préparer pour la Coupe du Monde.

Vous travaillez aux côtés d'un autre ancien arbitre américain, Esse Baharmast, qui a participé au Tournoi à quatre reprises (1993, 1994, 1995, 1996). Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

Esse est un modèle pour beaucoup, y compris pour moi. Il était l'un de nos meilleurs arbitres aux États-Unis, puis il y est devenu le directeur des arbitres pendant de nombreuses années. Pour moi, il a été une personne clé et une influence déterminante dans ma carrière d'arbitre. C'est lui qui m'a présenté à Alain Revello lorsque je cherchais une compétition masculine pour faire venir les arbitres. Esse travaillait avec moi dans le cadre de la Coupe du Monde féminine 2019. Il m'a proposé de faire le lien avec Alain et le Tournoi, ce qui était fantastique. Depuis, il s'est mis en retrait et n’est plus instructeur à la FIFA mais pour ce projet, il a accepté de rester avec nous et il est présent à nos côtés pour le Tournoi Maurice Revello, donc nous sommes très heureux de l'avoir. Pour moi, il n'est pas seulement un arbitre exceptionnel, c'est aussi un être humain exceptionnel.

"Il y a une place pour toutes les femmes dans le football"

Durant votre carrière, vous avez officié lors de 4 Coupes du Monde féminine et 4 Jeux Olympiques. Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Quel en a été le plus grand moment ?

Quand je regarde ma carrière, je suis fière de ce que j'ai accompli. C'est grâce à de nombreuses personnes que cela a été possible. Personne encore n’a pu égaler ces records et c'est quelque chose dont je suis fière, je mesure la chance que j’ai. Peu de gens ont une carrière aussi longue et il y a eu tellement de personnes dans ma vie qui m'ont aidé à atteindre ce succès. Cela peut sembler une réponse étrange, mais aux États-Unis, quand on est jeune, l'événement sportif le plus important est les Jeux Olympiques. Lorsque j'ai été sélectionnée pour mes premiers Jeux, en Grèce, en 2004, cela a surement été le moment le plus spécial, c'était quelque chose dont j'avais rêvé toute ma vie. À ce moment-là, c'était probablement le point culminant de ma carrière. J’aime le football, j'aime le jeu sur le terrain et j'ai vécu tant d'expériences incroyables, mais je dois dire que ce qui a changé ma vie, ce sont les gens, la culture et la famille du football. C'est ce que je chéris le plus, les amis et la famille que j'ai eus grâce au football et le fait qu'aujourd'hui, grâce aux matchs et à la carrière que j'ai eue, je travaille à la FIFA pour aider les prochains arbitres à faire la différence.

Franchement, c'est aujourd’hui mon plus grand plaisir et mon plus grand honneur. Ma carrière d'arbitre m’a permis d'en arriver là et d'aider les autres. Et c'est ce qui m'enthousiasme le plus aujourd'hui. Je sais que cela peut paraître étonnant parce qu’on parle du terrain, mais maintenant je suis dans une position où je suis capable d'aider les autres. Le fait d'amener des gens au Tournoi Maurice Revello en est un bon exemple. Cela va changer la vie de beaucoup de femmes d'avoir cette opportunité.

Est-ce que des initiatives comme celle-ci, et des personnalités comme vous ou comme Stéphanie Frappart en France par exemple peuvent faire naitre des vocations chez les jeunes arbitres femmes ?

Absolument, chaque fois qu'elles voient une femme réussir comme elle, nous pourrions avoir une autre Stéphanie Frappart, quelqu'un d'autre qui est motivée pour suivre le même chemin. Quand elles voient la possibilité de réussir en tant qu'arbitre à ce niveau de football, c'est très motivant. Et c'est l'un de mes espoirs, changer la vision des arbitres féminines et aider certaines d'entre elles à avoir cette vocation. Elles voient qu'il y a un potentiel et que cela a une valeur.

Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes femmes passionnées de football et d’arbitrage ?

Le football est un endroit pour tout le monde, ce n'est pas seulement pour les hommes, ce n'est pas seulement pour les femmes, c'est vraiment pour tout le monde. Plus nous essayons de démontrer que les femmes sont les bienvenues, plus nous continuerons à nous développer, et nous avons besoin d'elles. Le football est un sport pour tout le monde et l'arbitrage peut être une passion pour elles aussi. Il y a une place pour elles dans le football.

Propos recueillis par Mathieu Lauricella