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21 octobre 2021

INTERVIEW - Lindsay Rose : « Un club comme le Legia Varsovie, c’est un club niveau top 5 en France »

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Cet été, Lindsay Rose a rejoint le Legia Varsovie, le champion en titre de Pologne. Une nouvelle étape dans la carrière du défenseur de 29 ans qui a connu divers clubs en France (Laval, Valenciennes, Lyon, Lorient, Bastia) ainsi qu’une expérience très réussie en Grèce avec l’Aris Salonique.
L’international mauricien revient en longueur sur ce parcours qui aurait pu ne jamais s’effectuer sans des rencontres décisives durant son cursus de formation. Entretien.

Avant même de signer à Laval, tu avais pensé à arrêter le football après ne pas avoir été conservé au centre de formation du Stade Rennais. Tu peux nous en parler ?

C’est dur d’avoir subi un échec à Rennes dans mon club de cœur et formateur. Ensuite, j’ai fait des essais à Brest qui ont abouti à un deuxième échec là-bas. J’avais été plutôt performant mais l’éducateur du moment m’avait de dit de songer à faire autre chose car selon lui, physiquement et mentalement, je ne pouvais pas devenir professionnel

Cela fait beaucoup d’échecs à encaisser, j’étais très déçu de l’évolution de ma carrière à ce moment-là. Quand on est jeune, on pense à plein de choses et subir deux échecs d’affilée, ça fait mal. Je me suis laissé le temps puis j’ai eu mon dernier essai à Laval où je me suis dit : « Si je réussis, c’est top sinon j’arrête le foot ». Malgré le fait que le football soit ma vie.

Comme quoi ça tient à peu de choses… j’imagine que tu connais d’autres joueurs qui étaient dans la même situation que toi et qui n’ont pas réussi à faire la bascule…

Exactement. Plein d’autres jeunes footballeurs ont arrêté voire mal tourné dans la vie privée. Pour ma part, j’ai rencontré des éducateurs à Laval qui m’ont mis tout de suite mis en confiance. Notamment Jean-Fabien Peslier. Il m’a dit : « Non, tu ne peux pas repartir de Laval sans signer un contrat avec nous ». J’ai rencontré cette personne sur ma route qui m’a donné l’envie de me battre et de devenir footballeur.

Il y a quelques années, tu avais déclaré : « Je ne me suis pas donné tous les moyens pour percer au Stade Rennais. » Est-ce que, à l’instar de nombreux témoignages de footballeurs pros ou amateurs, tu te pensais déjà arrivé en étant au centre ? As-tu trouvé que le club t’avait accompagné convenablement à l’époque dans ton évolution ?

Rennes est un des meilleurs centres de formation en France voire en Europe à mes yeux. Quand j’étais dedans, je n’étais pas forcément considéré comme un joueur du futur à Rennes. Il y avait d’autres joueurs avant moi, mieux considérés ne serait-ce que contractuellement. Je n’avais pas de contrat par exemple.

Je suis un petit de Rennes, jouer pour le club de ma ville me procurait une immense fierté. Avec le recul, j’aurais pu travailler davantage, avoir plus la dalle. Mais quand on est jeune, on ne comprend pas trop, on est dans un confort, une bulle où tout parait facile. C’est là qu’on peut voir qu’il y a beaucoup de prétendants et peu d’élus au sein d’un centre de formation. C’est une bonne chose pour moi d’avoir quitté Rennes. Je n’avais peut-être pas assez la dalle à ce moment-là car j’étais dans mon club formateur, chez moi, entouré par mes amis et ma famille.

Il y aussi une part de chance et le fait de rencontrer les bons éducateurs au bon moment. A l’époque de Rennes, je n’avais pas forcément l’éducateur qui voulait me faire percer contrairement à Laval. Par contre, je tiens à signaler que j’ai eu des entraineurs à Rennes qui ont cru en moi mais qui n’étaient plus ensuite dans la catégorie où j’évoluais. Patrick Rampillon, le directeur du centre et qui fut une personne très importante dans ma formation à l'instar de Didier Lebras, croyait aussi en moi mais certains coachs n’avaient pas validé mon passage à l’étage supérieur.

En France, tu disputes quasiment une soixantaine de matchs de Ligue 1 (Valenciennes, Lyon, Lorient, Bastia) et une centaine de Ligue 2 (Laval, Lorient). Est-ce conforme à tes attentes ?

Je m’attendais à plus car je suis un compétiteur et ces échecs qui me sont arrivés plus jeune m’ont donné une hargne de chercher plus loin. Malheureusement, il existe certains paramètres qu’on ne maitrise pas forcément.
Je pense à des blessures longue durée qui m’ont tenu éloigné des terrains en Ligue 1 ou des descentes qu’on ne maitrise pas non plus. Je pensais rester plus longtemps en Ligue 1.

J’aurais voulu prétendre à plus de matchs mais je suis aussi parti à l’étranger pour chercher une nouvelle expérience. Je voulais avoir plus de matchs au sein de l’élite française, oui, mais une fois de plus il y a des paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément mais je suis très fier de ce que j’ai réalisé.

En France, est-ce qu’il y a des clubs où tu t’es bien senti ? Sans orienter ta réponse, je repense notamment à une anecdote que j’ai vu à Bastia dans un reportage de Téléfoot qui t’étais consacré où une bonne ambiance semblait régner dans le vestiaire…

A Bastia, j’ai découvert des choses basées sur le cœur, la famille et beaucoup de valeurs très fortes mais je ne suis pas resté assez longtemps malheureusement. J’ai beaucoup apprécié ce passage à Bastia avec notamment la naissance de mon deuxième fils.

Cependant, si je devais ne retenir qu’un club en France, sans faire offense aux autres, celui qui m’a le plus marqué au niveau émotionnel : c’est Valenciennes. Je me suis senti dans un cadre familial, j’ai immédiatement ressenti de l’amour carrément vis-à-vis de moi, que cela soit de de la part du staff ou de l’ancien président Jean-Raymond Legrand qui est comme un papa pour moi.  De plus, le directeur sportif de Valenciennes lors de ma signature était mon ancien directeur sportif à Laval et je le considère aussi comme un père : Loïc Perard.
Je me suis senti bien tout de suite avec mes coéquipiers, l’ambiance du Nord et les supporters.

Une personne comme Jean-Louis Leca, que j’ai côtoyé aussi à Bastia, m’a aussi mis dans de conditions incroyables à Valenciennes. C’est aussi en partie grâce à des personnes comme Jean-Louis Leca que j’ai pu réussir rapidement à Valenciennes.

A contrario, est-ce qu’il y a un club en France où tu t’es moins bien senti ?

Dans chaque club, j’ai vécu une expérience enrichissante. Si je prends les exemples de Lyon ou Lorient, je ne vais pas parler d’échec. Je me suis donné les moyens d’aller dans un club de très haut niveau comme Lyon et j’y ai rencontré des personnes fantastiques. Je n’ai pas de club où je ne me suis pas bien senti, que je considère comme un échec. J’ai appris partout. J’ai vécu des très bons et des très mauvais moments partout où j’ai été, à Lyon, Laval, Bastia, Valenciennes et Lorient. J’ai appris dans tous les clubs.

Après ton expérience en France, arrive la Grèce et l’Aris Salonique, de janvier 2019 à cet été 2021. Tu joues presque 100 matchs, tu marques même plusieurs buts… tu sembles totalement épanoui. Tu as même décrit ce club comme étant ta maison. Comment expliques-tu cela ?

Comme à Valenciennes, ça a matché de suite. J’ai notamment rencontré là-bas mon ancien coéquipier Nicolas Diguiny qui m’a grandement aidé en termes d’adaptation. Je me suis senti comme à la maison mais le ressenti a peut-être été quintuplé par rapport à Valenciennes car l’engouement autour du football en Grèce est tellement amplifié. Aujourd’hui, je parle grec, mon fils aussi. Humainement et footballistiquement, je me suis régalé à un tel point… c’était exceptionnel !

En quittant le club, j’ai pleuré dans la voiture, réellement. J’ai tellement créé de liens et me suis attaché aux personnes là-bas. Je suis parti avec un pincement au cœur. Même si, attention, je suis très content d’avoir rejoint le Legia Varsovie.

Dans une récente interview, tu disais « En termes d’engouement, de ce qu’il y avait autour du football, l’Aris Salonique équivaut à un gros Top 5 français. » D’une manière générale, est-ce que le football est vécue de manière plus passionnée en Grèce qu’en France ?

Ah ouais énormément, il n’y aucune comparaison possible ! Je pèse mes mots. Aucune comparaison possible.
Attention, la France est un pays de foot, passionné mais l’engouement en Grèce est juste incroyable. Tu le ressens au quotidien, dans la rue, au supermarché. Au stade, les gens viennent deux heures avant pour assister à l’échauffement du match.
Je n’ai jamais vu ou retrouvé ça en France. Hormis peut-être à Marseille, Lens ou Lyon, des clubs à forte identité mais sinon c’est incomparable avec le reste. Les gens vivent pour leur équipe, c’est limite une religion.

Cet été, tu as rejoint un club aussi chaud que l’Aris Salonique : le Legia Varsovie. A la seule différence que le Legia est LA superpuissance de son championnat : sacré sept fois champion de Pologne sur les neuf dernières saisons. Comment s’est passé ce transfert ? Le Legia est venu te chercher suite à ton expérience réussie en Grèce ?

J’ai passé un cap en Grèce. Un club comme le Legia, c’est un club niveau top 5 en France. C’est un club d’envergure européenne qui joue les qualifications pour la Ligue des Champions tous les ans. Cette année, on est en Europa League. C’est un club présent sur la scène européenne avec une grosse exposition.

A l’issue de mon passage à l’Aris Salonique, j’ai eu plusieurs propositions de clubs grecs, étrangers et même des offres pour revenir en France. Cependant, aller au Legia Varsovie a été une volonté de ma part : ils m’ont acheté donc ils ont voulu que je sois dans leur projet. Aussi, je suis une personne remplie d’expériences et aller en Pologne est une expérience de vie supplémentaire.

Depuis que tu es en Pologne, tu as noté des différences ou similitudes avec la Grèce et l’Aris Salonique ?

L’engouement des fans est juste incroyable. C’est un public chaud, qui aime le foot et qui chante sans arrêt. Les gens vivent pour le club, avec des supporters qui ont le logo du Legia tatoué sur la peau ! C’est la similitude que je note avec l’Aris Salonique. C’est juste impressionnant d’être présent une semaine sur deux dans ce stade très chaud !

La différence que je peux noter en revanche, c’est au niveau des infrastructures. Dans ma carrière, j’ai eu la chance de m’entraîner au sein des infrastructures d’Arsenal et franchement le centre d’entraînement du Legia Varsovie est du même standing, si ce n’est plus. C’est du très haut niveau. Le propriétaire s'investit énormément : c’est une bonne personne proche de son équipe et de ses joueurs. C’est un compétiteur.

Passons à ta carrière internationale. Tu as cumulé beaucoup de sélections dans les équipes de jeunes de la France. Notamment les U20 avec qui tu disputes le Tournoi Maurice Revello une première fois en 2012.  Quels sont tes souvenirs ?

C’était génial ! Nous, footballeurs, durant l’année footballistique, on attend le Tournoi Maurice Revello avec impatience : on joue pour faire ce tournoi. Il est excitant et arrive en fin de saison. Nous sommes certes un peu fatigués suite à notre saison en club mais on a aussi cette fraicheur juste avant les vacances. C’est la compétition qui clôture la saison, c’est génial pour nous. Plein de grandes équipes et grands joueurs sont passés par cette compétition. Le premier Tournoi Maurice Revello en 2012 avec Philippe Bergeroo, c’était exceptionnel, j’ai rencontré plein de nouveaux joueurs.

En 2013, tu es appelé de nouveau en équipe de France pour participer au Tournoi Maurice Revello. Cette fois par Willy Sagnol qui te confie le brassard de capitaine des Espoirs. Un choix fort dont tu t’en souviens encore je suppose…

Bien sûr, c’est un énorme honneur de se voir confier le brassard de capitaine des Espoirs surtout de la part de Willy Sagnol, une très belle personne qui connait bien le football. Ce Tournoi Maurice Revello 2013 a été une expérience enrichissante encore. C’était la première fois que Willy Sagnol était coach. On a créé des liens entre les joueurs et le coach autour de cette compétition. Cela nous a permis d’avoir un fondement solide autour de ça et on a pu construire une belle aventure tous ensemble par la suite.

Lindsay Rose et ses coéquipiers de l'équipe de France avant le match contre la Colombie au Tournoi Maurice Revello 2013

Quand tu arrives en senior, tu décides finalement de représenter l’Île Maurice. En 2011 déjà, tu disais « Je ne renie pas mes origines. Je suis franco-mauricien donc je n’y verrais aucun inconvénient à représenter la sélection à l’avenir ». Comment expliques-tu le fait de t’être positionné aussi tôt quand certains bi-nationaux attendent parfois quelques années ?

J’ai eu ma première sélection à 25 ans avec l’Île Maurice mais j’ai été clair dès le début. L’Île Maurice fait partie de ma vie, de moi, donc ce pays fait forcément partie de mon projet footballistique. En revanche, j’ai toujours dit au sélectionneur et au ministre des Sports de l’Île Maurice que je choisirais toujours la France avant car je suis né en France et j’ai grandi dans ce pays. Ensuite, j’ai toujours dit que je ferais des choix à 25 ans : soit j’opte pour la sélection mauricienne, soit je continue avec l’équipe de France soit j’arrête le football de sélections. J’ai senti après l’équipe de France espoirs qu’il fallait prendre une décision : mon choix s’est porté sur l’Île Maurice. C’est un projet où il y a tout à construire et c’est aussi ça le football, d’être au début au début d’un projet, aider les jeunes à sortir de la galère là-bas, essayer d’être professionnels et rendre fiers le pays à travers le football. Cela a été un grand choix pour moi mais je ne le regrette pas. Ce que je vis là-bas est exceptionnel. Il faut le vivre pour le croire.

Est-ce que tu peux nous en dire plus ? Tu dis que c’est incroyable dans quel sens ?

Humainement, c’est enrichissant. Il faut juste se tenir dans les chambres après les matchs ou les entraînements et discuter les uns avec les autres. Certains de mes coéquipiers sont pères de famille et n’ont pas de boulot : ils galèrent presque pour nourrir leur famille mais ils sont heureux d’être en sélection avec nous et d’exercer leur passion. Ils sont fiers de porter le maillot national et tu ressens la fierté dans leur regard au moment de l’hymne.

On en apprend beaucoup sur soi-même quand on va là-bas. Je ne dis pas que c’est la misère ou quoi mais on en apprend là-bas. Tactiquement, il y a des lacunes car il n’y a pas de centre de formation mais il y a une envie de bien faire constamment. Je ressens vraiment la différence quand j’y vais : ils veulent me montrer qu’ils peuvent aller plus haut. Et forcément, cela augmente le niveau. J’ai pris une claque quand je suis allé là-bas.

Quand tu dis qu’ils veulent te montrer ce dont ils sont capables, j’imagine qu’on te sollicite pour plein de conseils sur et en dehors du terrain vu que tu considéré comme LE joueur pro de la sélection ?

Oui bien sûr, je suis énormément sollicité et c’est aussi pour ça que j’y vais. Pour voir les jeunes qui ont 12, 13, 14 ans. Je parle à tout le monde pour leur donner envie de toucher leur rêve. Un rêve, ça se réalise et j’essaie de leur donner cette envie. Quand j’y vais, je me donne à 300% pour leur montrer qu’il faut toujours repousser ses limites. Je donne beaucoup de conseils mais j’en prends beaucoup aussi, je suis à l’écoute.

Dans un récent entretien en 2020, tu affirmais qu’«il y a un gros vivier, un gros potentiel dans cette île mais il n'est pas assez exploité et ça n'est pas assez structuré. » Quels seraient tes souhaits pour que le football mauricien progresse ?

Il faut structurer la formation et que les clubs redeviennent professionnels car la ligue est amateure actuellement. Que les joueurs puissent vivre du football. Il faut ensuite structurer la fédération et la sélection pour pouvoir faire des matchs tous les week-ends et progresser au classement. La sélection mauricienne ne peut pas toujours faire des matchs amicaux. Actuellement, la sélection doit disputer des pré-qualifications pour pouvoir prendre part aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations. Il y a trop de choses à faire en amont pour se qualifier dans une compétition africaine. Il faut structurer la fédération en concordance avec le Ministère. Trop de gens tirent dans les jambes des autres. Le football mauricien doit disposer de bases solides et tout le monde doit marcher dans le même sens pour ramener le pays au plus haut et faire venir des acteurs-clés. Par exemple, Samir Sobha, le président de la fédération mauricienne, travaille en amont pour trouver des partenariats à l'image de celui qui a été signé récemment avec le Benfica Lisbonne, afin que la formation en Île Maurice soit plus complète et offre des perspectives vers l'Europe. C’est important à mes yeux. 

Propos recueillis par Amayes Brahmi - 

Crédits photo : Legia Varsovie

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