A quelques heures du coup d’envoi du 48e Tournoi Maurice Revello, l’international U20 français Lucien Agoumé, qui figure dans la liste tricolore pour le Tournoi, nous a accordé un entretien. Le milieu de terrain prêté au Stade Brestois cette saison évoque sa joie de disputer le Tournoi et revient sur ses débuts précoces en professionnel au FC Sochaux. Avec lucidité et calme, le joueur de l’Inter n’élude aucun sujet et évoque son début de carrière tout en franchise.
Lucien, qu’est-ce que cela représente pour toi de disputer le Tournoi Maurice Revello ?
C’est un tournoi connu et reconnu, on en a tous entendu parler et on l’a regardé quand on était plus jeune. Aujourd’hui on a la chance d’y participer, c’est toujours un plaisir de venir avec la sélection, peu importe si ce sont des matches amicaux ou un très bon tournoi international comme le Tournoi Maurice Revello, avec de très bonnes équipes. On va affronter des sélections d’un très bon niveau, ce qui va nous permettre de bien conclure la saison avec l’équipe nationale.
La France figure dans le groupe A et va affronter entre autres l’équipe d’Argentine avec notamment dans ses rangs Franco et Valentin Carboni, les frères qui évoluent aussi à l’Inter…
Oui, mais il n’y aura pas que cet adversaire. On a pu le voir à la Coupe du Monde U17 et à l’Euro U17, les matches internationaux sont souvent de très haut niveau, peu importe la sélection contre laquelle on joue. Valentin est un peu plus jeune, mais j’ai joué un peu avec Franco. Ce sont deux très bons joueurs, ça fait un petit moment que je ne les ai pas vus. En espérant gagner et pouvoir les chambrer à Milan quand on va se revoir (rires) !
L’équipe de France est souvent très attendue et vos adversaires sont aussi très motivés à l’idée de vous affronter…
Oui, dans toutes les catégories d’âge, la France est une sélection de référence. On a gagné la Coupe du Monde, chaque génération possède des joueurs qui commencent tôt en pro ou qui ont une notoriété dans les équipes de jeunes, ce qui fait qu’on est souvent très attendu dans les tournois et les matches amicaux. Mais on se doit toujours de répondre présent, peu importe les circonstances. Le Tournoi Maurice Revello va nous permettre de bien nous jauger, on va essayer de montrer ce qu’on sait faire et faire respecter le standing de notre sélection.
« Être leader ? C’est naturel, je ne joue pas un rôle »
Tu sors d’une grosse saison avec le Stade Brestois, ta première aussi conséquente au niveau du temps de jeu. Comment as-tu vécu cette saison et comment te sens-tu physiquement ?
Je me sens bien physiquement, j’ai retrouvé des bonnes sensations. C’est vrai que j’avais moins joué lors des deux dernières saisons, mais cette année m’a permis de retrouver le rythme. Quand tu sors de deux saisons sans avoir énormément de temps de jeu, ce n’est pas évident, mais j’ai commencé à mieux me sentir en deuxième partie de saison et là je suis en pleine forme et prêt pour le Tournoi. On a fait une bonne saison collectivement avec Brest. Je remercie tout le monde au club pour la confiance qu’ils m’ont accordé et maintenant je suis concentré sur le Tournoi avec l’équipe ici.
Le Tournoi Maurice Revello n’est pas ta première compétition internationale avec l’équipe de France puisque tu as disputé l’Euro U17 et la Coupe du Monde U17 en tant que capitaine. Être un leader, est-ce un rôle qui est naturel pour toi ?
Oui parce que je ne joue pas un rôle, je suis toujours moi-même. Je pense que le groupe m’écoute parce que j’ai eu de l’expérience assez tôt dans le monde professionnel. J’ai pu côtoyer des joueurs plus anciens qui m’ont appris des choses que j’ai essayé de mettre en pratique avec ce groupe depuis qu’on a débuté tous ensemble en U16. J’essaie de rester moi-même, on s’entend tous très bien, j’ai toujours eu de super moments quand je suis en sélection, je ne me prends pas pour quelqu’un d’autre. Après, sur le terrain, on doit se dire les choses, positives et des fois moins positives mais dans l’intérêt du collectif. Je ne dirais pas non plus que je suis le seul leader, il y en a plusieurs dans cette équipe, tout le monde a son mot à dire, que ce soit sur le plan technique ou en-dehors du terrain. Il n’y a que de super joueurs, c’est ce qui fait notre force.
Lorsque tu débutes en pro à Sochaux, tu n’as que 16 ans et 283 jours, ce qui fait de toi le joueur le plus jeune de l’histoire du club. A l’époque, est-ce que c’était une étiquette difficile à porter ou plutôt quelque chose d’anecdotique pour toi ?
C’était plus une anecdote parmi tant d’autres. C’est vrai que j’ai eu la chance de débuter assez tôt avec mon club formateur et ça comptait d’autant plus pour moi car je suis de Besançon, juste à côté de Sochaux donc ça m’a fait énormément plaisir. Et j’ai pu rendre au club ce qu’il m’avait donné en signant à l’Inter en 2019. Grâce à ce transfert, le club a pu passer la DNCG. Laisser le club dans le monde professionnel comptait beaucoup pour moi, je voulais leur rendre tout ce qu’ils ont fait pour moi depuis l’âge de 12 ans.
Par rapport aux observateurs, quand on porte le maillot de l’Equipe de France, on est tout le temps observé. Au niveau des sélections, que ce soit en A ou en jeunes, la France est une référence pour tous les autres pays donc on est tout le temps scruté. Depuis mes débuts en sélection et même à Sochaux, c’est vrai qu’il y a souvent eu pas mal d’observateurs, mais je ne me suis jamais intéressé à ça. Je suis toujours resté focus sur mon football, sur l’équipe. Ce qui m’intéresse, c’est le terrain. Après, qu’il y ait des observateurs, ça fait plaisir à entendre mais ça ne m’intéresse pas vraiment.
« On prend tout, on met dans le sac à dos et on avance »
Dans le foot moderne, les joueurs explosent de plus en plus jeune, est-ce que tu estimes aujourd’hui être dans les temps que tu t’étais fixé ou t’attendais-tu à plus ?
Oui, ça va faire quatre ans en octobre que j’ai débuté en pro. Je ne dirais pas forcément que je suis dans les temps de passage du départ, car je pense que moi comme tout le monde s’attendions à plus. Mais je ne vais pas cracher dans la soupe. Je reste tranquille, concentré, je sais ce que j’ai à faire, je vais continuer à travailler. Chaque chose en son temps, ce n’est pas un souci si je n’ai pas forcément le nombre de matchs espérés à la base aujourd’hui, mais ça va venir. Il y a eu des aléas, mais ça fait partie du football, on prend tout, on met dans le sac à dos et on avance.
Lorsque tu as quitté Sochaux pour l’Inter, ton sélectionneur en U17 Jean-Claude Giuntini avait déclaré « si on le laissait avec les jeunes, il aurait pu tomber dans la facilité. Ç’a accéléré ses progrès ». Est-ce que tu es d’accord avec ce constat ?
Oui, c’est vrai qu’en partant de Sochaux pour l’Inter, c’était un énorme pas vers l’avant, quand tu passes d’un club de Ligue 2 à un club champion d’Italie, qui joue la Ligue des Champions… Il faut s’adapter très rapidement, tu arrives dans un vestiaire avec de très grands joueurs, tous ou presque internationaux, tu as 17 ans et tu dois te mettre tout de suite dedans pour ne pas être largué. Les entraînements sont plus durs en Italie qu’en France, tactiquement, ça travaille plus. Mais c’est un apprentissage, je pense que ça m’a fait énormément progresser. Aujourd’hui, j’ai des notions tactiques que je n’avais pas forcément avant d’y aller. Le coach Giuntini avait dit ça il y a quelques années et il n’avait pas forcément tort. Je suis allé en Italie, je n’ai pas eu le temps de jeu espéré mais j’ai beaucoup appris là-bas avec des entraîneurs comme Antonio Conte. Cette année, avant d’aller à Brest, j’ai eu Simone Inzaghi aussi. Ça s’est très bien passé avec eux.
Une autre déclaration, cette fois de ta part : « Le Lucien qui jouait en L2 et celui de maintenant n’est plus le même. Je suis plus complet ». Dans quel domaine estimes-tu avoir progressé ?
Oui, le Lucien de maintenant et celui a commencé à 16 ans n’est pas le même. J’ai envie de dire que c’est normal. Quand tu es jeune et que tu commences à 16 ans, tu n’es pas forcément le joueur que tu es à 20 ans. A 16 ans, tu débutes, tu fais seulement ce que tu sais faire, tu fais ce que le coach te demande. Mais aujourd’hui, je pense que j’ai progressé surtout sur le plan tactique depuis mon passage en Italie. Je suis vraiment un joueur très différent de celui que j’étais à Sochaux. J’ai appris des notions à l’Inter que je n’avais pas forcément avant. Ce sont des choses qui m’aident aujourd’hui dans le poste de milieu de terrain.
Du coup, tu te sens prêt à retourner à l’Inter ?
Pour l’instant, je suis ici, au Tournoi. On va le jouer et essayer de le gagner. Après, il y aura les vacances et puis on reprendra à Milan et on verra ce qu’il se passera après…
Propos recueillis par Amayes Brahmi et Mathieu Lauricella