L’actuelle sélectionneure de l’équipe de France U19 a d’abord était joueuse professionnelle avant d’enfiler cette nouvelle casquette. Une carrière qui témoigne d’une certaine expérience du ballon rond. Sandrine Ringler a répondu à plusieurs questions comme sur son effectif pour la Sud Ladies Cup 2023 ou son regard sur l’évolution du football féminin.
Comment abordez-vous la Sud Ladies Cup à l’approche de votre premier match ?
Nous l’abordons de manière un peu particulière parce que l’objectif au départ de ce tournoi, c’était la préparation à la phase finale du championnat d’Europe qui se déroule en juillet pour lequel on s’est qualifiés au mois d’avril au Portugal. Malheureusement, les dates de ce tournoi ne sont pas des dates FIFA et par conséquent les clubs n’ont pas l’obligation de mettre à disposition leurs joueuses. Donc il y a une quinzaine de joueuses absentes. J’ai dû composer une autre équipe. L’objectif principal sera une revue d’effectif avec des nouvelles joueuses, dont certaines qui vont probablement vivre leur première sélection avec l’espoir d’accrocher une place pour les championnats d’Europe.
Qu’est-ce que représente la Sud Ladies Cup pour vous et vos joueuses ?
C’est toujours un tournoi très bien organisé avec des équipes qualitatives comme le Japon. Chez les jeunes, le Japon est souvent dans le dernier carré. Cela va permettre aux joueuses de l’équipe de France de voir si elles ont le niveau d’intégrer le groupe France des U19.
Vous avez été également joueuse en équipe de France, est-ce que votre expérience personnelle joue un rôle important dans votre préparation à la compétition ?
Disons que j’ai connu le haut niveau et je ne l’ai jamais vraiment quitté parce que j’ai arrêté de jouer en 2000 et j’ai intégré le staff de l’équipe de France comme adjointe en 2004. Je connais les interactions entre les joueuses même si les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas celles d’avant. J’ai vu aussi toute l’importance d’un staff et des fonctions de chacun pour que chaque membre puisse s’épanouir et mettre en œuvre ses compétences au service du groupe. J’ai vraiment un staff qualitatif et qui nous permet de bien avancer.
L’équipe de France a toujours terminé sur le podium mais n’a jamais réussi a remporté la Sud Ladies Cup, quels sont vos objectifs lors de cette édition ?
L’objectif quand on rentre sur un terrain est de gagner la rencontre. Outre l’aspect du résultat, je vais surtout me focaliser sur les joueuses présentes, leur état de forme et les découvrir pour certaines dès lundi sur le terrain. J’ai du mal à connaître le niveau de cette équipe puisqu’il y a des joueuses qui vont intégrer le groupe pour la première fois. Ce n’est pas comme si je parlais de celui que j’avais au Portugal le mois dernier. Il a bien changé étant donné que quinze joueuses sont laissées à disposition des clubs. C’est difficile de se positionner mais on donnera le meilleur de nous-mêmes tant sur le plan du contenu de la rencontre que de la volonté de gagner.
Est-ce que vous considérez votre équipe comme favorite ?
Pour moi c’est impossible de mesurer le niveau du groupe et de me positionner par rapport aux adversaires que je ne connais pas. C’est souvent ce qui est intéressant à la Sud Ladies Cup, on a la chance d’avoir des adversités que l’on n’a pas tout au long de l’année. On ne joue que contre des pays européens. Ici on va jouer trois équipes internationales, d’Amérique Centrale, d’Afrique et d’Asie avec d’autres types de jeu. Dans tous les cas, cela sera positif.
Est-ce que vous allez devoir improviser pendant le tournoi comme vous ne connaissez pas vos adversaires ?
Non on va éviter d’improviser, on a des principes qui doivent s’adapter en fonction du jeu de l’adversaire. J’aurais trois séances avant le premier match, l’idée c’est que mes joueuses reçoivent les indications pour s’adapter. C’est vrai que quand on a l’analyse vidéo au préalable c’est plus simple, on peut décrypter les codes de l’adversaire. Mais là on n’a rien donc c’est plus compliqué. C’est la première fois que ça va nous arriver cette année mais ça permettra de maintenir tout le monde en alerte. Je ne suis pas inquiète mais il faudra bien analyser et s’adapter à l’adversaire pour les contrer. Les filles ont la capacité et certaines ont l’expérience pour reconnaître le type de jeu de l’adversaire.
Est-ce que les joueuses que vous connaissez jouent un rôle important dans la transition avec les nouvelles ?
Bien sûr, elles joueront un rôle important déjà en termes de relais avec les nouvelles joueuses pour les intégrer mais aussi par rapport à ce que l’on fait sur le terrain. Elles savent ce que l’on souhaite mettre en place à chaque fois donc elles pourront aussi l’expliquer aux autres joueuses. Parfois la discussion entre elles est tout aussi intéressante.
« Aujourd’hui ça ne suffit plus d’être douée, il faut absolument travailler »
Vous avez développé une grande expérience en devenant d’abord joueuse puis entraîneure. Après toutes ces années quelles sont les évolutions que vous avez pu constater autour du football féminin ?
À mon époque, on s’entraînait deux ou trois fois par semaine. Aujourd’hui, c’est impensable d’être en sélection en ne s’entraînant pas tous les jours. De nos jours, les filles sont des vraies sportives de haut niveau avec tous les moyens qui sont mis à leur disposition par les clubs.
Est-ce que c’est plus difficile de franchir les étapes pour une joueuse ?
Il faut vraiment se positionner. Avoir un objectif, c’est une chose mais derrière il y a tout le travail à mettre en œuvre. C’est un travail quotidien, d’entretien, de progression et de remise en question. Avant, quand on était une bonne joueuse, on y arrivait facilement. Aujourd’hui ça ne suffit plus d’être douée, il faut absolument travailler. Tous les facteurs de la performance doivent être en adéquation. Quelques fois, elles fournissent des efforts qui ne sont pas tout de suite payants. Elles ne jouent pas immédiatement, s’interrogent et doutent alors qu’il faut persévérer surtout à cet âge. La régularité fait partie de la performance. On doit pouvoir compter sur les joueuses. Aujourd’hui, le haut niveau c’est la D1 donc il faut qu’elles arrivent à trouver une place. Certaines commencent à avoir du temps de jeu, d’autres ont réussi à être titulaires, maintenant il faut que ça dure dans le temps.
En tant qu’entraîneure, trouvez-vous que les exigences ont changé ?
Oui, les exigences sont beaucoup plus élevées. On le remarque sur plusieurs d’aspects. Une athlète d’aujourd’hui doit avoir des qualités footballistiques, techniques et athlétiques, ainsi que de la maturité. Il faut que la joueuse soit responsable et autonome. Sans oublier la pression de pouvoir jouer dans une compétition intéressante, notamment la D1.
Considérez-vous que la visibilité autour du football féminin soit grandissante ?
On a la possibilité de voir des rencontres. Cela a émergé en 2011 à la suite de la coupe du monde en Allemagne lorsque l’Équipe de France est arrivée en demi-finale. Selon moi, c’est vraiment le déclic même si cela stagne un peu. Par exemple, les quarts de finale de Champions League de nos équipes françaises ne passent pas sur les chaînes TV classiques. On est obligé d’aller sur internet. C’est bien parce qu’on y a accès. Mais c’est dommageable parce que ce sont vraiment des matchs de haut niveau et très intéressant pour le grand public. La Sud Ladies Cup a une plus-value en retransmettant les matchs. Je trouve que ça progresse au fur et à mesure. Probablement pas assez vite quand je lis certains commentaires mais je pense qu’il faut y aller progressivement.
Vous pensez qu’il manque quelque chose ?
C’est délicat car c’est assez positif ce que la fédération a enclenché avec le passage des pôles espoirs qui sont sur les années lycées aux années collèges. La prise en main par les clubs des centres de formation a un impact financier donc il faut aussi s’assurer de leur santé financière. C’est pour ça qu’il ne faut pas que ça aille trop vite sinon on risque de perdre ce que l’on a réussi à construire. Il faut aussi leur laisser le temps de construire ces projets. On ne peut pas tout avoir d’un coup. Je pense qu’on est sur la bonne voie et le virage qu’a pris la fédération va nous faire franchir un nouveau palier.
Patrick Latrémolière