21 ans seulement mais déjà un parcours atypique. Bien qu'encore jeune, Manon Wahl possède déjà un certain vécu. Passée par l'Allemagne alors qu'elle était encore une adolescente, l'Alsacienne s'est forgée une expérience et un caractère à toute épreuve qui font sans doute sa force aujourd'hui. La gardienne de but du Racing Club de Strasbourg est devenue cette saison la titulaire au poste au sein de son club et a su saisir sa chance. A son crédit, cinq clean-sheets qui font du Racing la deuxième meilleure défense de sa poule en D2 Féminine, et collectivement une solide et honorable 6e place pour un club dont l'objectif est avant tout le maintien. Ces derniers jours, elle a même retrouvé l'équipe de France avec les U23. De quoi donner le sourire à la native de Wissembourg, qui s'est prêtée au jeu des questions réponses.
Manon, quels souvenirs gardes-tu de ta participation à la Sud Ladies Cup avec l'équipe de France en 2019 ?
Je n’en garde que de très bons souvenirs. C’était une très belle expérience, on a pu affronter des équipes contre qui on n’a pas l'habitude de jouer, comme le Mexique ou la Corée du Nord et c’est toujours quelque chose d’intéressant.
Vous aviez terminé 3es de la Sud Ladies Cup en 2019, le tout en étant l'une des plus jeunes équipes. Et quelques semaines plus tard l’équipe de France était championne d’Europe U19…
Oui, ça nous a permis de bien nous préparer pour l’Euro car une partie de la sélection y a participé ensuite. Ça nous a apporté de l’expérience. Personnellement, c’était mes premiers matchs en U19. Avant cela, j’étais encore chez les U18 et grâce à cette compétition, j’ai été surclassée et j’ai acquis plus d’expérience.
Tu avais joué deux rencontres, contre Haïti et le Mexique, pour deux victoires… On peut dire que ces premières capes en U19 ne t’ont pas effrayé…
Oui, j’avais déjà été convoquée chez les U16 en équipe de France. Forcément, le niveau était plus élevé en U19, et puis les matchs internationaux sont différents de ceux en club. Il y a plus d’intensité, on affronte des joueuses plus âgées. C’est même mieux car ça nous apporte plus.
Dans l’équipe figuraient des joueuses que tu côtoies aujourd’hui en club comme Amanda Chaney, et même Pauline Dechilly, qui a, elle, pris part à la Sud Ladies Cup une année avant toi. Quelle relation as-tu avec elles ?
Avec Amanda, on ne se connaissait pas vraiment, j’ai appris à la connaitre lors de la Sud Ladies Cup. Elle nous a rejoint au Racing cette année, on s’entend bien et c’est important vu qu’elle joue en défense. C’est pareil avec Pauline qui évolue derrière aussi, on s’entend très bien.
Manon Wahl à la parade face au Mexique lors de la Sud Ladies Cup 2019
Ces derniers jours, tu étais en rassemblement avec l’équipe de France U23 pour deux matchs face à l’Angleterre. Qu'est-ce que ça fait de retrouver la sélection ?
J’avais fait quelques stages avec la France mais depuis la Sud Ladies Cup, c’est la première fois que je rejouais en équipe de France. C’était super de retrouver la sélection, ça faisait plaisir, surtout deux ans et demi voire trois ans après. Affronter l’Angleterre était aussi intéressant, c’est une bonne nation en football féminin. Et on a gagné et fait match nul, donc c’est aussi bien de rester invaincues.
Avant de devenir titulaire à Strasbourg, tu as évolué quelques années au SC Sand, en Allemagne. Comment as-tu atterri là-bas et qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?
Je suis restée trois ans là-bas. J’étais en U18 au Racing, le niveau du championnat n’était alors pas très élevé, on gagnait tous nos matchs 10 ou 15-0, ce n’était pas très intéressant et je voulais donc voir autre chose. En Allemagne en U17, il y a 4 divisions, dont la Bundesliga, qui représente donc l’échelon national et le niveau y est bien meilleur. J’ai fait un essai là-bas et j’ai été prise. J’ai fait un an en U17 et deux en séniors. Lors de la première année en séniors, j’étais en équipe 2, ce qui équivaut au niveau D2 en France, pareil lors de la deuxième année sauf qu’après l’interruption du championnat en 2020 lors de la pandémie, le foot a repris en Allemagne et j’ai intégré l’équipe 1 un peu par chance. A ce moment-là, la gardienne numéro 1 s’est blessée, et je suis devenue deuxième gardienne car l’habituelle numéro 2 est passée titulaire… et puis la numéro 2 s’est blessée et je suis rentrée en jeu. C’était inattendu.
Tu es retournée à Strasbourg ensuite et cette saison, le club est 6e de son groupe en D2 Féminine. Comment juges-tu votre saison pour le moment ?
On fait une saison plutôt cohérente, même bonne, je dirais. Notre objectif de départ était le maintien donc on est assez bien. Il va falloir continuer pour le valider le plus rapidement possible.
La montée en D1 Arkema, est-ce un objectif à court terme, ou penses-tu que l’équipe a encore du chemin à faire ?
On doit encore progresser toute ensemble pour viser la montée. Mais pour le moment, on reste sur notre objectif de se maintenir, on verra ensuite ce que nous réservent les années qui viennent.
Strasbourg est la deuxième meilleure défense de son groupe avec seulement 11 buts encaissés en 13 matchs. Au-delà de la satisfaction que cela doit te procurer, comment tu l’expliques ?
Avec le coach, on a réussi à mettre en place une base solide. On a commencé par la défense pour avoir une certaine solidité et ça marche plutôt bien, même si on a toujours quelques petits détails à régler. En tant que gardienne, c’est sûr que c’est une statistique qui fait toujours plaisir, mais c’est avant tout la réussite du collectif, c’est toute l’équipe qui défend bien.
Tu es native du coin (née à Wissembourg, NDLR), donc jouer pour Strasbourg doit forcément représenter quelque chose de fort…
Oui, le Racing, c’est le club de notre famille. Tout le monde les soutient chez moi, c’est le club de cœur à la maison donc oui, c’est un plaisir.
« Le foot féminin manque d'exposition »
Tu joues gardienne, sûrement le poste le plus particulier dans le football. Comment en es-tu venue à ce poste ? Était-ce une envie depuis tes débuts ?
Je joue depuis toujours dans les buts grâce à mon frère. Il a quatre ans de plus que moi et il était attaquant, et quand j’avais trois ou quatre ans, il voulait s’entraîner et il fallait quelqu’un dans les cages donc il me mettait au but (rires). Ça me plaisait, même si je n’avais pas le choix car il voulait s’entrainer !
Quels sont tes objectifs en club et en sélection, tes rêves sur le plus long terme ?
Forcément, je rêve de jouer un jour en équipe de France A, ça fait rêver et ça peut être un objectif à long terme. En particulier disputer un Euro ou une Coupe du Monde. Et en club, pourquoi pas un jour jouer une Ligue des Champions…
Que penses-tu du traitement du football féminin en France ? Est-ce que tu trouves qu’il est parfois trop dénigré ou sous-exposé dans les médias ?
Je pense clairement que ça manque d’exposition. On est un peu dénigrée en France. Quand je vois ce que ça donne en Allemagne, au niveau financier notamment… C’est plus développé déjà, vu que j’y ai joué, j’ai pu voir ça de près. On a encore un temps de retard par rapport à ça en France. Il faudrait encore plus d’implication des médias, je pense.
Propos recueillis par Mathieu Lauricella