Soixante-et-onze sélections en équipe de France A, six fois championne de France avec Saint-Maur entre 1983 et 1990... Sandrine Roux n'est plus à présenter. Aujourd'hui entraîneure des gardiennes de l'équipe de France U19, la native de Montreuil se bat encore pour la reconnaisance et la professionnalisation du football féminin. Entretien.
Sandrine, en tant qu’ancienne gardienne de l’Equipe de France, que pensez vous de la Sud Ladies Cup ?
Cette Sud Ladies Cup fait vraiment du bien pour les filles. Il faut savoir qu’il y a très peu de tournois organisés en France. C’est une plus-value pour les sélections dans la préparation de leurs prochaines échéances. Dans notre cas, pour l'Euro U19 en juillet prochain (du 16 au 28 juillet 2019).
Comment percevez-vous l’évolution de la féminisation du football depuis 1970 ?
On va dire que c’était noir, et que là c’est blanc (rires). On est passé de quelques lignes dans les journaux à une réelle médiatisation, notamment par le biais de la télévision. Les joueuses récemment retraitées et actuelles sont reconnues. A titre d’exemple, je travaille énormément avec Gaëtane Thiney (milieu offensive au Paris FC) et lorsque nous sortons déjeuner, des passants l’arrêtent. C’est dans des moments comme celui-ci qu’on se dit que les choses évoluent. Dans les années qui ont suivi l’officialisation du football féminin il y a presque cinquante ans, les mentalités étaient extrêmement réticentes à cette nouveauté. On entendait « ce n’est pas fait pour les filles, c’est un sport d’hommes ». Aujourd’hui, des petits garçons ont su leurs dos des maillots au flocage féminin, ce n’était pas gagné. Cela veut dire que lorsqu’une petite fille voudra jouer au football à la récréation, on ne lui refusera pas.
Dans une interview pour notre site internet, l'ancienne internationale française Mélissa Plaza disait que les filles devaient en faire deux fois plus. Êtes-vous d'accord avec ça ?
Quelque soit le métier, les femmes doivent toujours faire doublement leurs preuves. Je dis toujours qu’un homme moyen compétent, ça passe. Cependant, une femme compétente, ça ne passe pas. Aujourd’hui, il faut voir le côté positif des choses, les matchs féminins sont retransmis dans des stades pleins. Réjouissons nous de ce qu’on a, mais il y’a encore un énorme chemin à faire. En espérant que l’Equipe de France fasse un beau parcours, car si elles sont éliminées rapidement, elles n’auront aucune visibilité.
Quelles sont les clés du récent engouement pour les Bleues ?
Aujourd’hui, je crois qu’il y’a peu de personnes qui ne savent pas que la Coupe du Monde va se dérouler en France. Il y a un engouement réel, grâce notamment à la couverture de TF1. Rappelez-vous de Corinne Diacre, actuelle sélectionneuse, qui donnait sa liste le 2 mai dernier au 20 heures de TF1. On bénéficie d’un traitement médiatique similaire aux hommes de par ses expositions médiatiques sur une chaîne nationale. Certains officiels de la Fédération surfent sur cette vague féminine alors qu’ils ne misaient pas un sou sur notre collectif il y a encore quinze ans. Je ne citerai aucun nom, ils se reconnaitront assez facilement. Le problème, c’est que nous sommes dans le bon vouloir, ce n’est pas encore naturel. Pour ne rien vous cacher, j’aimerais avoir plus de Jean-Michel Aulas. On nous fait croire à des sections féminines mais en réalité, aucun fonds ne sont levés pour ces dernières. Fort heureusement, grâce au travail acharné du président de la Fédération Noël le Graët et à la vice-présidente chez les femmes Brigitte Henriques, la situation a vite évolué. L’interdiction du château de Clairefontaine pour les filles, c’est révolu.
Vous êtes en charge des gardiennes de l'équipe féminine U19. Que pouvez-vous nous dire sur elles ?
Mary Innebeer nous a rejoint suite à la blessure de Justine Lerond. Elle fait partie des gardiennes à suivre, elle a un vrai potentiel. Manon Wahl est avec nous depuis le début, dans différents stages. Aujourd’hui, on la voit dans un contexte de vie au quotidien. Elle jouera de nouveau sur la fin du tournoi. Ce qui est compliqué avec les gardiennes, c’est qu’il y’en a peu en réserve. Nous allons lancer un plan national pour faire naître des vocations, répertorier les potentielles gardiennes dès onze ans et les accompagner individuellement. Le plus difficile, c’est que nous n’arrivons pas à trouver des gardiennes d’1m80. Si les gardiennes n’ont pas d’envergure, ça va vite nous faire défaut. On va aller voir dans le basket, sait-on jamais (rires). Cependant, recruter une fille juste pour sa taille, c’est hors de question. Je préfère une gardienne plus petite mais qui sent véritablement le jeu.
L'Euro U19 féminin approche à grands pas. Comment le préparez-vous ?
On prend chaque échéance étape par étape. Le fait de ne pas avoir eu l’effectif au complet nous a permis de faire un turn-over, de revoir des joueuses seulement accueillies en stages. Après la Sud Ladies Cup, les joueuses vont se mettre au repos, après le bac pour certaines. Un programme d’entretien physique leur a été envoyé afin d’aborder le début de la préparation pour l’Euro dans les meilleures conditions. En espérant que les joueuses s’y tiennent, c’est toujours compliqué de s’y remettre après une coupure de plus d’un mois.
Propos recueillis par Amayes Brahmi et Mathieu Lauricella, retranscrits par Paul Schmitt