En mai 2019, Fiona Bogi vivait les meilleurs moments de sa jeune carrière en équipe de France à travers la Sud Ladies Cup. Sa signature dans la foulée à Rodez (Division 2) devait lui permettre de poursuivre sa progression. Sauf que la pandémie du COVID-19 est passée par là avec pour conséquence deux saisons blanches consécutives (2019-2020 puis 2020-2021) en Division 2. La jeune défenseure de 21 ans revient sur cette période, tout en évoquant ses souvenirs de la Sud Ladies Cup et en se projetant sur un avenir qu’elle espère radieux. Interview.
Fiona, la Division 2 reprend le 5 septembre prochain. Est-ce le bout du tunnel après la longue période d’inactivité due au COVID-19 ?
Je ne sais pas si on peut le dire, en tout cas on l’espère fortement. Cela fait maintenant deux saisons qu’on effectue des préparations d’un mois et demi pour au final avoir une coupure quelques mois après. Cette fois-ci, je suis motivée, je prends du plaisir mais il y a quand même cette appréhension en espérant que cette fois-ci c’est la bonne.
Qu’est-ce qui a été le plus dur à vivre avec l’arrêt de la D2 féminine ? Rappelons que la saison 2020-2021 a été interrompue en octobre puis définitivement arrêtée fin avril.
Le plus dur a été de nous faire croire que la Division 2 pouvait reprendre, c’était compliqué. On s’entrainait et on attendait des nouvelles. On a eu droit à des rumeurs sur la reprise puis sur l’arrêt. On nous disait un coup oui puis un coup non. On faisait des sous-entraînements, on s’entraînait sans vraiment le faire, c’était très dur mentalement. Physiquement, ton corps ne réagit pas pareil et c’est pendant cette période que je me suis pétée la cheville. On faisait des efforts sans être à 100% dans l’exercice. Cela a été très dur à gérer psychologiquement. Deux ans sans jouer, ça laisse des traces dans une carrière de footballeuse. Ces deux saisons blanches vont laisser des traces sur le corps des joueuses voire sur leur envie de continuer.
Entre la saison 2019-2020 et la saison 2020-2021, tu as connu deux saisons blanches. Comment une jeune joueuse comme toi a vécu cela ?
Cela a joué sur la motivation, tu ressens une sorte de cassure dans ton évolution. De mon côté, je me suis rabattu sur le côté professionnel. Même si je savais déjà auparavant qu’il était important d’avoir une vie étudiante et professionnelle.
Même en D2 féminine, on reste des joueuses amateures. C’est une piqûre de rappel : tu as fait ce que tu as fait au niveau du foot mais n’oublie pas qu’à côté, tu n’es rien. J’ai mis l’accent sur les études et me suis concentrée sur ma reconversion professionnelle afin d’avoir un bagage plus large. Cet arrêt m’a fait prendre conscience des choses dans la vie.
Connais-tu des joueuses qui ont été démotivées par ces deux saisons blanches au point de penser à mettre un terme à leur carrière ?
Certaines joueuses de mon équipe devaient terminer leur carrière il y a une ou deux saisons. Ces deux saisons blanches ont eu l’effet inverse sur elles. Elles ne voulaient pas terminer sur une saison blanche ou à huis clos, elles ne voulaient pas avoir fait tout ce chemin pour ça. Sinon, je n’ai pas connu de filles démotivées au point de se dire qu’elles veulent arrêter mais cela nous a montré à quel point l’activité footballistique pouvait nous manquer.
En parallèle de ton activité footballistique, tu poursuis tes études… quel est le projet pour la suite ? Vivre de ton métier de footballeuse ou envisages-tu déjà une alternative au cas où ?
J'ai envisagé une alternative. J’effectue un master en alternance communication et management du sport. Le club de Rodez m’a engagé en alternance sur la communication des pros masculins. Ma journée de travail consiste à travailler sur la communication de la Ligue 2 masculine puis je vais m’entraîner avec la D2 féminine le soir.
C’est une situation peu commune ! Comment tu le vis ?
Ça fait un mois et demi que j’ai commencé à travailler, je me régale, c’est ce que j’aime, c’est très intéressant pour moi. Même pour mon football et l’apprentissage en termes de compétences. J’arrive à concilier les deux même si je fais beaucoup plus attention à mon hygiène et mon rythme de vie car ce sont de grosses journées mais je prends beaucoup de plaisir.
En parlant de D1, tu es passée de Montpellier à Rodez. Comment s’est effectuée cette transition sachant que tu es restée à Montpellier pendant longtemps ?
Je suis partie de Montpellier après 7 ans au club. Je suis arrivée à un stade où j’ai estimé avoir fait le tour. Les deux dernières saisons, j’ai été pas mal blessée, je m’entraînais avec la D1 et jouais avec les U19. Le coach de l’époque Frédéric Mendy m’avait reçu en entretien pour m’affirmer que la plus méritante de mon poste jouerait, qu’importe son âge, mais je n’avais plus ce plaisir, j’avais envie d’autre chose. Puis l’offre de Rodez est arrivée et je savais parallèlement que cela serait compliqué pour moi de m’imposer au sein de l’équipe première de Montpellier. Rodez est tombé à pic, j’ai beaucoup réfléchi car le MHSC est mon club de cœur, j’ai fait toute ma formation là-bas, la décision n’a pas été facile à prendre. Mais en arrivant à Rodez, j’ai retrouvé le plaisir du foot.
Quelle est la différence entre les deux divisions ? En termes de jeu mais aussi en termes de professionnalisation.
L’environnement est totalement différent. Mes entraînements ne se font plus les matins désormais mais tous les soirs à 19h, c‘est un grand changement, le rythme n’est pas pareil. Au MHSC, les filles sont professionnelles et ne font que du foot alors qu’à Rodez, les filles viennent à l’entraînement en sortant du travail. On déborde parfois sur le début de la séance à cause des impératifs professionnels de chacun. C’est un changement total de conditions d’entraînement, il faut s’adapter à ça. La différence se fait là entre la D1 et la D2. Niveau foot, j’ai été surprise en D2 par le niveau physique des clubs : il y a plus de duels et d’intensité physique mais moins de qualité technique. Quand je m’entraînais avec la D1, les joueuses avaient davantage le temps de poser le jeu.
En équipe nationale, tes dernières sélections remontent à la Sud Ladies Cup 2019. Quels sont tes souvenirs de cette compétition où tu as été titularisée contre le Mexique et Haîti ?
C’est un très bon souvenir pour moi, le meilleur de toutes mes sélections en équipe nationale. C’était un tournoi de préparation en vue de l’Euro. Je suis appelé en septembre une première fois pour un rassemblement à Clairefontaine afin de préparer l’Euro. Mais je me pète le nez au bout du deuxième entraînement avec fracture. On peut dire que l’expérience débute mal, c’est une énorme déception. En avril, avant la Sud Ladies Cup, il y a un ultime rassemblement et je suis rappelée en remplacement de Selma Bacha. J’étais contente de pouvoir avoir une dernière chance de revenir en sélection.
Durant la Sud Ladies Cup, j’effectue une passe décisive contre le Mexique et je termine par marquer le penalty gagnant lors de la séance de tirs au but. C’était une belle ambiance avec les filles, un très bon souvenir vraiment. Un super tournoi avec une très bonne organisation dans un très beau cadre à Salon-de-Provence.
C’était la première fois que tu affrontais des nations non-européennes. Quel a été ton ressenti ?
C’est totalement différent, le niveau athlétique est largement supérieur. Je pense notamment à Haïti dont les joueuses étaient très difficiles à bouger, le tout avec une grosse pointe de vitesse. J’ai le souvenir d’une culture de jeu basée sur l’aspect athlétique et différente des équipes européennes que l’on connaît.
Un dernier mot pour finir. Quels sont tes objectifs désormais ?
Au niveau du club, je veux effectuer une saison complète à Rodez, enchaîner un maximum de matchs et éviter les pépins physiques.
En sélection, avec le fait de passer deux saisons blanches en club, je pense que mes objectifs se sont éloignés mais on sait que ça va vite dans le football. Si je réalise une saison complète et que je suis performante, on ne sait jamais mais pour l’instant, ce n’est pas l’objectif principal. Même si comme toute joueuse, j’aimerais retrouver l’équipe nationale évidemment !
Propos recueillis par Amayes Brahmi -